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Miles Davis, cet artiste destiné à triompher


Cet article est quelque peu différent de ce que je propose habituellement. Il porte sur Miles Davis (1926-1991), et aborde le mythique album Kind of blue (1959). Je mets volontairement en avant, des informations sur la vie de l’artiste qui m’ont marqué, et qui sont autant de données vous permettant de comprendre comment sa personnalité et son parcours influencèrent sa musique. In fine, ces éléments, aident à saisir l'esprit de cet album, du moins, les titres sélectionnés en bas.

Je vous mets au défi de lire, écouter, et surtout ressentir.

Mon sentiment sur cet album est parcimonieusement perceptible dans cet article, et n’a nullement besoin d’être détaillé, tant Kind of blue vous amène délicieusement vers le terrain glissant de l’émotion – ce qui est nettement plus intéressant à votre endroit.


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Les superlatifs ne manquent pas pour qualifier LE GRAND Miles Davis, et chinoiser sur ses apports dans le jazz. L’artiste se distingue par une certaine précellence, tant dans son jeu à la trompette, étiré et glorieux, mais aussi par une personnalité antinomique, curieusement lisse et effrontée. « Lisse » ?

Voilà un surprenant vocable peu approprié au jazz, et surtout pas (éventuellement peu) utilisé pour qualifier les grands jazzmen de la belle époque du genre.


Contrairement à ses pairs, Miles Davis naquit dans une famille noire, bourgeoise et éduquée de Saint Louis (USA). Son père diplômé de Northwestern University est dentiste, sa mère, belle femme, est dite snob. Ce détail mérite d’être souligné car ce trait de personnalité suivra l’artiste.


À la maison, on vante les mérites du travail, on parle de Marcus Garvey, on cultive la fierté d’être noir américain, sous fond d’un contexte historique tendu lié à la ségrégation.


Son père le pousse vers la musique en lui offrant une trompette. Miles Davis se tourne naturellement vers le jazz qui l’inspire, et apprend enfant, grâce aux cours particuliers, ainsi qu’à l’écoute intensive du swing de Duke Ellington, du jazz de Louis Armstrong et du blues de Bessie Smith. Son éducation musicale fondatrice est noire. Ayant le soutient de son père, celui-ci l’encourage à suivre les cours de la prestigieuse Julliard School of Music de New York, dont il fera défection, en raison d’un académisme irritant, peu compatible avec sa vie trépidante de musicien.


Officieusement, il se perfectionna à « l’académie nocturne » des clubs de jazz du centre-ville. S’étant inscrit à la section syndicale locale à 15 ans, il mena une surprenante double vie, lycéen le jour et trompettiste le soir dans divers orchestres. Etudiant, il poursuivra ce mode de vie, et bonifia son style aux côtés des plus grands, Dizzy Gillespie, Charlie Parker (surnommé Bird), Thelonious Monk, Bud Powell, le gratin du bebop en somme. Musicien reconnu, il travailla avec les pairs de sa génération, Sonny Rollins, John Coltrane, Charles Mingus entre autres. Sans oublier le fameux Gil Evans qui a la particularité d’être blanc, et lui fit ses arrangements musicaux lui permettant ainsi de cultiver son propre style.



Miles Davis ose travailler avec des blancs, et dans l’Amérique ségrégationniste de l’époque, cela ne passe pas inaperçu auprès de son public de musiciens noirs.

Mais Miles Davis est « cool » ! C’est le musicien en vogue, inclusif et détaché. Tant de qualificatifs qui évoquent également sa musique.

Il devient malgré lui le précurseur du Cool Jazz, un style venant de la côte ouest, caractérisé par sa sonorité lisse, son ton édulcoré et non démonstratif. Pratiqué par les jazzmen blancs, il est une réponse indirecte au bebop identitaire noir des années 50. Miles Davis s’affiche à contre-courant en rejetant l’agitation du bebop, et joue une musique sophistiquée au timbre doux et au jeu mélodieux, qui de fait, fut rapprochée au Cool Jazz.


Bien qu’aimé par un public blanc, il n’en subit pas moins les brimades raciales du contexte de l’époque aux Etats-Unis. C’est en France qu’il découvre, d’après lui, une société qui accepte sa couleur de peau, et par-dessus tout, encense le génie musical qu’il est.

Son histoire si singulière se déroulant dans des contextes historique et jazzistique particuliers, trouve un écho dans sa musique, accessible à tout le monde, noirs comme blancs.



On devine en écoutant la musique de Miles Davis qu'il n’est pas un amuseur, un jazzman ayant vocation à divertir. Il est beaucoup trop éduqué pour cela.


Il fait de la musique.

La sienne est perfectible, sophistiquée et vigoureusement assumée en tant que telle. C’est une musique minimaliste, épurée. Dans l'album Kind of blue, il fait une large place à l’improvisation.


Son jeu à la trompette est caractérisé par la justesse de l’attaque, la note est généreusement jouée sans être exagérée. L’ensemble forme un son précieux et noble.



La trajectoire de Miles Davis est une mécanique bien huilée, taillée pour taquiner les sommets de la virtuosité jazzistique, simultanément dans son jeu à la trompette, ainsi que dans la sonorité finale et parfaite du morceau. Curieusement, l’analyse de son parcours révèle les mécanismes de la réussite, décidés en amont par l’entourage proche, et l’artiste lui-même, notamment lorsqu’il fréquenta les clubs de jazz, enfant. Elle met aussi en exergue les ingrédients qui concourent au succès : la passion, la discipline, s’entourer des meilleurs (musiciens et mentors), le désir de se surpasser, d’être ou de faire naturellement différent, ainsi que le fait de rester focaliser, quoi qu’il arrive.



Kind of blue, 1959

« C’est un des plus grands disques de Miles Davis…peut-être son meilleur depuis l’époque où il jouait avec Bird… achetez-le et écoutez le paisiblement aux alentours de minuit… vous conviendrez que c’est là un jazz qui, selon toute probabilité, ne sera jamais dupliqué. »

Charles Harris Garrigues, éditorialiste au San Francisco Examiner


Kind of blue, 1959 est composé de cinq titres : So What, Freddie Freeloader, Blue In Green, All Blues, Flamenco Sketches.

Les musiciens : Miles Davis (trompette), Bill Evans (piano, cependant Wynton Kelly est pianiste uniquement sur le morceau blues Freddie freeloader), Cannonball Adderley (saxophone alto), John Coltrane (saxophone tenor), Jimmy Cobb (batterie), Paul Chambers (contrebasse). L'album fut enregistré en deux jours seulement (2 mars et 22 avril 1959).



Le remarquable, le grand, le magnifique album Kind of Blue, illustre cette quête accidentelle de l’excellence. Pourquoi « accidentelle » ? Car Miles Davis n’avait pas donné de directives préalables à ses musiciens pour préparer l’enregistrement de l’album. Il fut inspiré pour ce projet par les musiciens des ballets de la Nouvelle Guinée qu’il découvrit au cours d’un voyage. Il rechercha à appliquer à sa musique, la spontanéité et l’interaction qu’il perçut entre les musiciens au cours du spectacle. La consigne était de faire ce qui les branchent au cours des solos de chacun. L’essentiel étant que cela lui plaise. Ce noble album, marqué par l’empreinte du jazz modal, a la particularité d’enthousiasmer les amoureux du jazz, qu'aussi bien les inconnus du genre.

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Je pourrais vous décrire mon ressenti en écoutant cet album, mais mon article est long, et je ne veux pas vous perdre ! Les informations données dans celui-ci, vous aideront à comprendre l’artiste ayant produit une telle merveille…un tissu de subtilités musicales dont quelques morceaux sont proposés ci-après.


On ne peut qu’aimer, écouter et vouloir écouter à nouveau la musique intemporelle et réconfortante de Kind of Blue. Les curieux prêtent une oreille attentive, quand les autres utilisent les morceaux de l’album en musique de fond pour créer une ambiance. Kind of blue, réussit l’exploit de satisfaire tout le monde, et entraîne les amateurs de musique vers une écoute contemplative. Il est l’album de jazz le plus vendu au monde !


Je vous invite à laisser la musique vous balader, à trouver vos mots qui exprimeront les sentiments foisonnants susceptibles de vous traverser.


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Flamenco Sketches

Mon morceau préféré, une merveille !!!

J’adore l’approche minimaliste du son, et je suis totalement fan du solo de Cannonball Adderley (saxophone alto de 3'47 à 5'49), que je repasse en boucle à chaque fois que j’écoute ce titre.



Freddie Freeloader

J’adore l’introduction blues du morceau (les 40 premières secondes), ainsi que le solo de Miles Davis (2'13 - 4'29).



So WhatLe titre qui ouvre l’album. J’adore l’introduction de So What (début jusqu'à 1'30).


Oriane Inès


Pour en savoir plus :


  • Noël BALEN, Miles Davis, l'ange noir, Ed. Mille et une nuits, 2001

  • Franck BERGEROT, Miles Davis de A à Z, Castor music, Collection : Castor Music, Ed. Castor Astral, 2012

  • Ashley KAHN, Kind of Blue Le making of du chef-d'oeuvre de Miles Davis, Collection Musiques, Ed. Le Mot Et Le Reste, 2017

  • Philarmonie de Paris, Miles Davis (1926-1991), [en ligne]. Disponible sur http://digital.philharmoniedeparis.fr/0056008-biographie-miles-davis.aspx


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