Christian SCHAD (1894-1982) est un artiste peintre allemand dont les œuvres les plus célèbres furent réalisées entre 1920 à 1935 et ont notamment pour thème l'introspection psychologique. Il est reconnu comme une figure de proue du Neue Sachlichkeit le mouvement de la "Nouvelle Objectivité" (en français) qui se développa en Allemagne après la Première Guerre Mondiale (1914-1918).
Contexte artistique
La guerre fut traumatisante dans les nations européennes. Le sentiment d'effroi l'accompagnant trouve son écho dans le monde de l'art. Il se manifeste par le rejet des formes artistiques avant-gardistes (comme le cubisme), au profit d'un retour à une expression picturale classique. C'est le "Retour à l'ordre". Il s'agit d'un revirement à une approche artistique se voulant plus rassurante, car plus traditionnelle dans la technique. Celle-ci est caractérisée par la précision du geste, la peinture du portrait, et dans l’idée, par peindre le réel. L'expression "Retour à l'ordre" est issu du livre de Jean Cocteau "Le Rappel à l'ordre" en 1926.
Naissance de la Nouvelle Objectivité Neue Sachlichkeit
C'est dans ce contexte que naît le mouvement de la «Nouvelle Objectivité » issu du "Retour à l'ordre", lors de l'exposition Neue Sachlichkeit à Mannheim en Allemagne (1925). Christian Schad s'illustra dans celui-ci, par la production de nombreuses œuvres, dont certaines furent présentées lors des expositions : "The New Objectivity" à la galerie Neumann-Nierendorf de Berlin en 1927, ainsi que "New Objectivity" au Stedelijk Museum d'Amsterdam en 1929.
Ses œuvres s'appuient sur les principes de la figuration classique. Son parti pris est de représenter la réalité du monde dans une retranscription tout à fait objective. L’empreinte à la tradition classique de la figuration est manifeste dans le naturalisme des corps, la mise en valeur de la surface picturale lisse et transparente, et par le choix du portrait. Les deux œuvres (présentées dans cet article) ont pour point commun de faire ressortir la solitude des corps, dans un environnement relativement froid, et dont l'effet est accentué par le regard parfois aigu des personnages burlesques. Ceux-ci, sont inspirés de personnes rencontrés au cours de voyages. On note par ailleurs, le fort intérêt de l'artiste pour le thème de la sexualité.
Dans ce tableau « Autoportrait » peint à l’huile en 1927, la femme en arrière-plan, de profil, ayant une cicatrice sur la joue, est inspirée d’une rencontre à Vienne. La nudité des personnages et la posture de leurs corps respectifs suggèrent un rapport physique entre eux.
Cependant, a-t-il vraiment eu lieu ?
Les regards ne se croisent pas, bien que les corps se rencontrent. On ressent entre eux de l'indifférence réciproque.
«Mes images ne sont jamais illustratives, si elles sont symboliques.» Christian Schad en 1977
(J. Rewald 2006, p.76)
En effet, Christian Schad distilla quelques indices symboliques, telle que la fleur se trouvant derrière la femme penchée vers l’artiste. C'est une narcisse qui rappelle le thème de l'introspection psychologique : «personne n'est totalement exempt de narcissisme» (cité dans Bond et Woodall 2005, p.168) soit le souci prioritaire de soi au détriment d’autrui.
Ce jeu autour du contact/non-contact me semble mystérieux, et l'atmosphère froide renvoyée par l'oeuvre est particulièrement exquise. Ce qui me plaît le plus, c'est l'air tourmenté de l'artiste. Cette nudité est insaisissable dans la compréhension globale de la scène, et son attitude m'apparaît comme désinvolte.
Le tableau (ci-dessus) "Agosta, the Pigeon-Chested Man, and Rasha, the Black Dove” peint à l’huile en 1929 représente deux artistes de fêtes foraines. Agosta, ayant une cage thoracique difforme (particularité de naissance) et Rasha, originaire de Madagascar. Il les rencontrèrent lorsqu'il séjourna à Berlin entre 1927 et 1943. Le rappel au classique est visible par la technique de peinture. Effectivement les corps sont détaillés avec précision. Ils sont également représentés objectivement dans leurs états physiques.
Ce qui me plaît particulièrement dans ce tableau est l'impénétrabilité et l'insensibilité des personnages. Agosta a les lèvres pincées, le regard inexpressif, presque comique. Rasha en bas, regarde le spectateur sans expression, impassible. Il pourrait y avoir un drame devant eux, elle garderait la même indifférence. L’ordonnancement des corps sur le tableau, ainsi que leur obstination pour l'antipathie les unis, de mon point de vue.
Enfin ce qui me turlupine, est de savoir pourquoi le dossier de la chaise est-il de travers, alors que les pieds ont l'air plutôt droits ?? ^^
Oriane Ines
Pour en savoir plus :
LANTENOIS Annick. Analyse critique d'une formule « retour à l'ordre ». Persée, In: Vingtième Siècle, revue d'histoire, n°45, janvier-mars 1995. pp. 40-53; http://www.persee.fr/doc/xxs_0294-1759_1995_num_45_1_3381
LEBOVICI Elisabeth, 2002, Schad et ses détails de taille, Libération, [en ligne] disponible http://next.liberation.fr/culture/2002/12/09/schad-et-ses-details-de-taille_424073
Aparences, Nouvelle Objectivité (Neue Sachlichkeit), [en ligne]. Disponible sur : https://www.aparences.net/periodes/art-moderne/nouvelle-objectivite-neue-sachlichkeit/
Christian Schad Museum, Im zentrum der epoche, [en ligne]. Disponible sur : http://www.christian-schad-museum.de/
Tate, Christian Schad Agosta, the Pigeon-Chested Man, and Rasha, the Black Dove 1929, [en ligne]. Disponible sur :http://www.tate.org.uk/art/artworks/schad-agosta-the-pigeon-chested-man-and-rasha-the-black-dove-l02264
Tate, Christian Schad Self-portrait 1927, [en ligne]. Disponible sur : http://www.tate.org.uk/art/artworks/schad-self-portrait-l01710
Tate, Neue Sachlichkeit [en ligne]. Disponible sur : http://www.tate.org.uk/art/art-terms/n/neue-sachlichkeit
Tate, Return to order, [en ligne]. Disponible sur : http://www.tate.org.uk/art/art-terms/r/return-order
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